Nous avons appris la semaine dernière la disparition de Michel Arrignon, magnifique musicien, pédagogue, qui a formé de nombreuses générations de clarinettistes. Musicien à l'ensemble intercontemporain, à l'Opéra de Paris, professeur au CNSMDP et aussi au conservatoire Paul Dukas, il était véritablement aimé de tous. Nombreux sont les témoignages venus souligner le chagrin qu'a provoqué sa disparition. Le Conservatoire du 12e arrondissement tenait également à lui rendre hommage. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à tous ceux qui l'aimaient.
Jean-Michel Ferran, qui fut directeur du conservatoire pendant plus de 25 ans, également un ami proche, nous partage ces quelques mots à son sujet.
Philippe Barbey-Lallia
"Michel Arrignon a enseigné de nombreuses années au Conservatoire Paul Dukas, succédant en 1992 à Guy Deplus. C’était un clarinettiste et un musicien exceptionnel doublé d’un pédagogue génial qui savait aider chaque élève à puiser en lui des ressources insoupçonnées. Ses diagnostics pédagogiques toujours très pertinents lui permettaient de trouver précisément, tant techniquement que musicalement, le mot juste au bon moment. Et malgré son caractère quelquefois un peu fantasque, ses élèves lui vouaient de manière unanime une admiration véritable et sincère.
Mais au-delà du pédagogue, durant toutes ces années, le musicien a fait bénéficier le conservatoire de son immense rayonnement artistique ; il a joué plusieurs concertos avec l’orchestre symphonique (Mozart, Weber, Spohr, Debussy…) et créé Apsara, le concerto que j’avais écrit pour lui. Les remarques lumineuses qu’il faisait à l’orchestre durant les répétitions enchantaient les étudiants. En musique de chambre également son aura artistique a marqué de nombreux concerts avec ses collègues, notamment grâce au sextuor que nous avions formé avec Catherine Cantin, Jean-Louis Capezzali, Laurent Lefèvre et Jean-Jacques Justafré et qui nous a permis de faire entendre une grande partie du répertoire pour vents et piano.
Michel avait un rapport tellement naturel avec la musique que chacune de ses remarques ou de ses exemples instrumentaux revêtait une incontestable évidence. Et parmi les nombreuses émotions qu’il nous a données, j’ai le souvenir d’un moment de grâce, presque surnaturel, qui s’est déroulé lors d’un concert en l’Eglise de l’Immaculée Conception. Avec Anne-Lise Gastaldi, Gilles Lefèvre et Philippe Bary, il donnait le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen. Lors du mouvement de clarinette solo, l’Abîme des oiseaux, qu’il jouait comme personne, trouvant des pianissimi et des couleurs proprement inouïs, soudainement un oiseau qui avait élu domicile dans l’église s’est mis longuement à chanter et dialoguer avec lui ; ils se sont ainsi tous deux élevés dans une sorte de bulle spirituelle entre terre et ciel, faisant frissonner l’auditoire d’une émotion ineffable…
Le monde de la musique perd un de ses plus nobles représentants, et nous pleurons un ami très cher. Repose en paix, cher Michel, et bon envol vers le Parnasse des grands artistes!"
Jean-Michel Ferran